FCO : Passage en revue des moyens de prévention
INTRODUCTION
Les premières descriptions de la Fièvre Catarrhale Ovine – FCO- datent de 1876 en Afrique du Sud, sur des moutons bien entendu, à la suite de l’introduction de moutons européens dans cette région.
La maladie reste cantonnée au Sud du continent Africain jusque dans les années 20.A partir de 1924, avec des foyers découverts à Chypre, la maladie s’est ensuite propagée un peu partout dans le monde : Etats Unis, Asie, Australie, Méditerranée.
Depuis les années 2000, elle a traversé la Méditerranée et est remontée dans quasi toute l’Europe et dans des pays – Canada, Pays Bas , Russie – situés au-dessus du 50°Parallèle Nord.
Le virus responsable, un arbovirus, est transmis par des moucherons piqueurs de type Culicoïdes. Les petits moucherons noirs qui volent en nuage, plus souvent le matin et le soir, dans les zones un peu humides. Les femelles ont besoin de sang dans leur phase de reproduction et piquent en transmettant le virus à ce moment-là. Elles seraient attirées par les animaux à sang chaud via leurs émissions de CO2 et leurs déjections (Attraction and Repellent Behaviors of Culicoides Biting Midges toward Cow Dung, Carbon Dioxide, and Essential Oils Korean Parasitology 2021) .
Si le genre Culicoïdes Imicola était connu comme vecteur depuis longtemps, la propagation du virus vers le Nord de l’hémisphère a révélé le portage et la transmission du virus de la FCO par plus d’une quinzaine de Culicoïdes différents , sachant qu’il existe 1300 espèces recensées à ce jour. Le virus s’adapte donc aux conditions de la région et aux vecteurs présents.
Le moucheron reste infesté toute sa vie (de 10 à 90 jours selon la température) et multiplie de façon intense le virus dans ses glandes salivaires. Cette multiplication s’arrête en dessous de 15°C. Une seule piqûre d’un moucheron infesté suffit à transmettre le virus à un animal sensible, les ovins l’étant particulièrement, les bovins également, les chèvres moins pour le moment.
L’augmentation des températures et la frénésie des échanges internationaux sont les premiers facteurs de propagation du virus de la FCO.
Alors comment lutter, enfin plutôt comment prévenir au mieux le possible passage de la maladie sur son cheptel ? Passage en revue des mesures envisageables.
VACCINATION
Elle est présentée comme la première mesure de protection envers la maladie.
En effet, le vaccin va agir comme « stimulant » de l’immunité. Les particules virales injectées vont se disséminer dans l’organisme et être identifiées comme agent pathogène et enregistrées par le système de défense. Il faut 2 à 3 semaines à ce système pour fabriquer des anticorps, particules qui reconnaissent ,détruisent les virus dès leur entrée dans l’organisme et activent les autres systèmes de défense de l’organisme.
De ce fait, la vaccination se prévoit à l’avance. Comme dit le vieil adage, mieux vaut prévenir que guérir.
Une vaccination planifiée, si le vaccin est disponible, ce qui est la première difficulté, permettra de réaliser les 2 injections à 3 ou 4 semaines d’intervalle si besoin, et d’avoir le laps de temps nécessaire, soit 3 semaines, pour l’établissement d’une immunité. 2 vaccins en ovin ne nécessite qu’une seule injection, le BULTAVO 3 – contre le sérotype 3 – et le SYVAZUL BTV 1.4 .8 , réduisant ainsi la durée de mise en place de l’immunité.
Une vaccination en urgence, lors de l’arrivée du virus FCO dans l’environnement de l’élevage, ne sera pas très efficace. L’immunité n’aura pas le temps de se mettre en place et le stress de la réalisation, stress de l’éleveur et du cheptel, n’ira pas non plus dans le bon sens. Si des animaux sont déjà malades, l’intérêt sera également assez limité au vu de la vitesse de propagation. Il est toujours conseillé de vacciner des animaux en bonne santé avec une bonne immunité – j’y reviendrais plus bas. Vacciner des animaux à l’immunité défaillante n’est pas très bénéfique et peut être un facteur d’échec de la vaccination.
Les vaccins sont ils efficaces à 100 % ? Bien sûr que non.
Mais si une grande majorité des individus ne sera pas malade, ou le sera moins, cela limite aussi fortement la propagation du virus – car ces animaux n’excrètent pas de virus ou le virus est neutralisé par leur système immunitaire.
Le LANCET, célèbre journal scientifique de référence, estime que « la vaccination a réduit de moitié la mortalité infantile entre aujourd’hui et 1974 et sauvé 154 millions de vie. 10.2 milliards d’années en bonne santé ont été gagnées grâce à la vaccination ».
On tiendra bien sûr compte des effets secondaires possibles : fièvre, réaction allergique, des réactions au point d’injection, des hypersensibilités aux antibiotiques suite à une vaccination FCO – particulièrement avec le vaccin Syvazul – ont été signalées, ainsi que des soucis de reproduction.
Les ovins sont particulièrement sensibles au niveau de la reproduction. La plupart des vaccins sont déconseillés pour les mâles reproducteurs, en tout cas à moins de 8 semaines de la lutte sous peine d’infertilité -voir article sur la lutte.
LA LUTTE : BIEN LA PREPARER POUR LA REUSSIR
Pour les brebis, on conseille aussi de limiter les traitements et manipulations juste avant la lutte, afin d’éviter des baisses de fertilité. Pas facile alors de savoir s’il vaut mieux vacciner ou pas, si proche de la lutte … Comme disent les labos « il faut mesurer le bénéfice /risque selon la situation de l’élevage » , en gros , démerdez vous … Mais vu la virulence de la FCO, avec des mortalités, la vaccination sera peut être plus sage.
Ci-dessous la liste des vaccins disponibles en France et dont l’efficacité a été reconnue par l’ANSES :
BTVPur 4 -8 Boerhinger utilisable en ovin et bovin avec 2 injections en primovaccination – à partir de 1 mois d’âge , 2.5 mois si issus de mère vaccinée.
BLUEVAC 8 CVZ utilisable en ovin et bovin 2 injections en primovaccination – à partir de 2.5 mois
SYVAZUL1-4-8 utilisable en ovin 1 seule injection – à partir de 3 mois d’âge
Les vaccins autorisés et financés dans le cadre de la campagne de vaccination volontaire envers le sérotype 3 sont :
BUVALTO 3 utilisable en ovin 1 seule injection – à partir de 1 mois
BLUEVAC 3 utilisable en ovin et bovin 2 injections – à partir de 2 mois
IMMUNITE
Cette notion est très importante car vacciner des animaux avec l’immunité dans les chaussettes ne sera pas très efficace. Effectivement, le vaccin va actionner et mettre en garde le système immunitaire de animaux, en leur présentant un morceau de virus. Donc autant que ce système soit au top de sa forme.
Les oligo-éléments d’abord : Le Cobalt, le Cuivre, l’Iode, le Manganèse, le Sélénium et le Zinc ont TOUS un rôle à jour au niveau du système immunitaire.
Le Cobalt est le constituant principal du noyau de cobalamine, principe actif de cyanocobalamine ou Vitamine B12. Un manque de Vitamine B12 , donc de Cobalt , peut entraîner de l’anémie , une réduction de l’appétit – et quand l’appétit va, tout va ! – et d’une dégénérescence du foie chez l’agneau. Le foie des animaux carencés est vulnérable. Or le foie, en Médecine Chinoise est le général des armées de défense. Mieux vaut qu’il soit en forme !
Le Cuivre est un élément essentiel de la Superoxyde dismutase et de la Ceruloplasmine , deux enzymes antioxydantes essentielles dans la protection des cellules contre le stress oxydatif.
L’iode est le constituant principal des 2 hormones thyroïdiennes – T3 et T4 – qui jouent un rôle dans la régulation des mécanismes d’oxydation cellulaire, dans le développement et le soutien du système immunitaire, mais également dans le métabolisme des glucides, des lipides et des protéines. Plutôt indispensable.
Le Manganèse, souvent négligé, intervient dans l’immunité car il est indispensable à la protection de l’oxydation par la Super Oxyde Dismutase -SOD- et par son interaction avec les cellules de défense comme les macrophages et les neutrophiles, des globules blancs
Le Sélénium, star des oligo-éléments , joue un rôle dans l’immunité par son effet antioxydant ,souvent en association avec la Vitamine E . Il est présent partout , dans toutes les cellules de l’organisme. Il permet aussi la transformation des hormones thyroïdiennes de T4 en T3 active, impliquées elles aussi dans l’immunité. Il améliore la migration et la capacité de défense des cellules inflammatoires de type neutrophiles et macrophages.
Le Zinc est comme le Cuivre un composant de la Superoxyde dismutase, protectrice de l’oxydation des cellules, il intervient dans la protection des membranes cellulaires, dans l’immunité cellulaire et humorale et le métabolisme des glucides, lipides, protéines et de la synthèse de la Vitamine A.
Donc pas d’immunité sans oligo-éléments, c’est sûr.
Les vitamines ne sont pas en reste.
La Vitamine A intervient dans l’immunité via le rétinol, et permet une santé optimale des muqueuses, sévèrement touchées lors d’atteinte des animaux par la FCO. Un apport en Vitamine A peut augmenter le nombre de cellules productrices d’anticorps.
Les Vitamines du groupe B, B1,B3,B5,B9 – on a vu plus haut le rôle de la B12 – ont toutes une action sur les métabolismes des glucides, des protéines et du métabolisme énergétique par leur rôle en tant que cofacteurs enzymatiques.
La Vitamine C est un antixoydant bien connue.
La Vitamine D3 a aussi un rôle dans l’immunité. Elle favorise la multiplication des cellules de défenses et joue un rôle dans la capacité phagocytaire des macrophages, premières cellules de défenses envers les bactéries et les virus.
La Vitamine E, souvent associée au Sélénium a également un rôle d’antixoydant.
La Vitamine K est un cofacteur enzymatique.
La complémentation peut se faire en bolus à action 6 ou 8 mois selon les espèces, en drench à action 6 semaines, en galets effervescents, par l’eau de boisson avec les systèmes de pompes.
Bolus Ovin/Caprin Rumbol – 5 Oligo Elements & 3 Vitamines – Action 6 mois
BOLUS MOUTON CHEVRE OVITOP 5 – 5 Oligo éléments – Action 6 mois
Bolus Bovin ENDURABOL – 6 oligo-éléments + 3 vitamines – Action 8 mois
Bolus BIO bovin Endurabol – 6 Oligo-éléments – Action 6 mois
Blast Off buvable – Caprins, Ovins, Bovins – 4 Oligo-éléments + 12 vitamines
BLAST OFF CUIVRE Complément 5 oligo éléments 12 Vitamines Bovin Ovin Caprin
ORBVIE PREMIUM BOVIN APPORT 6 OLIGO ELEMENTS ET 3 VITAMINES LIQUIDE AUTORISE EN BIO
Des cures de sel iodé peuvent également aider à renforcer l’immunité.
Elle doit en tout cas être commencée avant la vaccination et continuée après, et sur toute la période à risque de FCO.
Un autre allié indispensable de l’immunité est lui un macroélément : le Magnésium
Le Magnésium agit sur l’immunité avec un rôle dans la synthèse des immunoglobulines et des lymphocytes, cellules de défense.
Le Magnésium améliore l’absorption des oligo–éléments et du Calcium au niveau du tractus digestif.
Le Magnésium est un cofacteur dans plus de 300 réactions enzymatiques, que ce soit pour le métabolisme énergétique, protéique ou lipidique.
Le Magnésium agit également sur le stress, ce qui n’est pas négligeable lors d’épisodes infectieux sur le troupeau. Le stress faisant baisser de façon importante l’immunité.
Une cure de Magnésium, chlorure ou oxyde, avant et après vaccination, et pendant la période à risque ne peut qu’être bénéfique aux animaux.
Et si on veut compléter tout cela, on fera également des drainages hépatiques – comme dit plus haut le foie est, en Médecine Chinoise, le général des armées de défense de l’organisme. Il faut donc le soutenir dans ses fonctions de défense et de détoxification avant et après vaccination, mais aussi le rebooster si malheureusement la FCO devait entrer dans l’élevage. Une cure de vinaigre de cidre – attention ce n’est pas un draineur du foie mais il le soulage en amont- associé à un hydrolat de livèche ou carotte permet de soutenir le foie dans ces périodes.
MESURES DE PROTECTIONS
On parle ici des mesures préconisées dans la prévention de la propagation de la maladie.
La FCO est une maladie à déclaration obligatoire du fait de sa contagiosité.
Les signes qui peuvent faire penser à la FCO sont :
Fièvre, troubles respiratoires, salivation abondante, œdème de la face, cyanose de la langue, ulcères dans la bouche, croûtes sur le nez, boiteries et inflammation de la couronne.
La maladie peut aussi être asymptomatique.
Certaines souches virales provoquent des retards de croissance chez les animaux malades, la mort de certains animaux et des avortements chez les femelles infectées.
En cas de suspicion, il faut prévenir son vétérinaire qui viendra faire des prélèvements pour confirmer/infirmer la FCO ou la différencier de la MHE – Maladie Hémorragique Epizootique, émergente elle aussi. S’il s’avère que les résultats sont positifs, votre vétérinaire en informera la DDPP.
Surveiller les animaux matin et soir : état général, comportement alimentaire/hydratation, production
Si l’infection est confirmée, il faut limiter et sécuriser les mouvements depuis une zone atteinte pour ralentir la propagation de la maladie
Les mesures FCO type 3 sont plus drastiques car les mortalités des bovins adultes observées aux Pays Bas sont 3.5 fois plus élevées qu’à la même période lors des années précédentes.
De ce fait les mouvements d’animaux sont restreints dans un périmètre de 150 km du foyer et les vaccinations volontaires ont commencé.
REPULSIFS CULICOÏDES
Aucun produit sur le marché ne dispose d’une Autorisation de Mise sur le Marché pour les culicoïdes et aucun non plus ne spécifie une action sur ces moucherons dans leur mode d’emploi.
Il est donc considéré que les produits, destinés d’abord aux mouches, n’ont pas une action aussi longue sur les culicoïdes , mais plutôt une rémanence assez courte de 7 à 10 jours…
Voir le lien vers le tableau les produits existants sur le marché français et recommandé par l’ANSES– Source GDS France
https://www.gdsfrance.org/wp-content/uploads/2023-09-26-FCO_Produits_de_desinsectisation-V3.pdf
Bien sûr les « autorités compétentes »ne reconnaissent aucune action des Huiles Essentielles et autres produits non allopathiques .
Pourtant des études ont été réalisées avec des huiles essentielles de Lemongrass et Geranium Bourbon à 5 % . Il en a été conclu qu’elles avaient un effet répulsif sur les culicoïdes, mais de quelques heures seulement. « Repellent properties of various essential oils and synthetic and natural products against Culicoides nubeculosus and C. obsoletus (Diptera: Ceratopogonidae), vectors of Orbivirus Lachance S “
Les extraits d’aïl, bassine à l’aïl et autres compléments à base d’aïl , bien connus pour leur effet répulsif sur les mouches, n’ont pas d’effet répulsif sur les culicoïdes.
L’huile de Neem a également montré son effet répulsif avec une solution de 2% d’huile de Neem en application pour on. « Bluetongue outbreaks: Looking for effective control strategies against Culicoides vectors »
Le souci de ces solutions est la rémanence. Déjà courte pour les produits allopathiques autorisés, elle l’est encore plus pour les produits naturels.
Un ingénieux système d’auto-application par les animaux eux-mêmes est présenté dans les vidéos ci-dessous. Peut être une solution pour les plus bricoleurs de limiter les piqûres de culicoïdes.
Un essai d’une molécule synthétique déjà utilisée chez les chiens, contre puces et tiques et chez les poules contre les poux rouges, le fluralaner par voie orale semble une piste prometteuse. Mais sans connaître aujourd’hui sa demi-vie dans les tissus et produits – viande et lait. Ni son impact sur l’environnement et l’entomofaune, erreurs à ne plus commettre avec le recul sur ce type de molécules antiparasitaires. Topical, contact, and oral susceptibilityof adult Culicoides biting midges(Diptera:Ceratopogonidae) to fluralaner Blythe E. Lawson1* and Emily G. McDermott1
CONCLUSION
La gestion de la Fièvre Catarrhale Ovine – FCO- semble aujourd’hui extrêmement complexe par sa vitesse de propagation, l’arrivée permanente de nouveaux variants et la mise au point parfois un peu trop rapide de vaccins avec des effets secondaires non vraiment connus. Cela rappelle quelque peu une situation humaine à l’échelle mondiale assez récente …
La prévention est donc de mise, avec les vaccins disponibles, les mesures de limitation des déplacements et les zones de protection, la stimulation de l’immunité avec les oligo-éléments et les vitamines et , bien sûr, l’utilisation des répulsifs au vecteur Culicoïdes.
On pourrait également penser que cette maladie est un nouveau signe d’appel dans la lutte contre le réchauffement climatique, le moucheron vecteur, inactif sous 15°C, s’étendant de plus en plus vers le Nord de l’hémisphère.
Il faudra donc intégrer, en plus des mesures déjà prises, dans la lutte contre ces maladies émergentes, toutes les mesures agroécologiques qui nous permettraient de limiter la montée des températures et l’expansion des virus et de leurs vecteurs.
Un vaste programme pour les années à venir !
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