BRONCHITE VERMINEUSE
Un ver ça , trop de vers , bonjour les dégâts
La bronchite vermineuse, ou Dictyocaulus Viviparus chez les bovins, est un strongle, parasite des voies respiratoires.
Elle a la particularité d’avoir un cycle extrêmement court quand les conditions sont favorables et contamine rapidement tout le lot.
L’infestation massive peut avoir des conséquences sévères sur les animaux et la production et son contrôle n’est pas des plus évident.
Passage en revue de son cycle, les conditions de son apparition et les moyens de lutte.
D’OU VIENT ELLE ?
La survie des Dictyocaules sur la pâture durant l’hiver est faible. Ces strongles n’aiment pas le froid – bien qu’il faille descendre bien en dessous de 0°C ( – 9°C) pour les tuer , ni le chaud et sec. Alors que quand les conditions sont bonnes – entre 20 et 25°C, avec de l’humidité , le cycle extérieur – passage du stade L1 dans les bouses au stade L3 larve infestante- peut se raccourcir à moins d’une semaine- 5 jours.
Une petite partie peut survivre à l’hiver dans des hôtes qu’on appelle paraténiques , nos amis les vers de terre. Ils sont moins friendly sur ce coup là les lombrics mais on ne peut pas leur en vouloir.
Mais la principale infestation /dissémination vient des vaches porteuses et par la suite des animaux naïfs.
Effectivement, la larve L5 de la bronchite vermineuse, qui se trouve dans l’animal , se réveille au printemps et peut être aussi par une baisse d’immunité des vaches vêlant à cette période.
Ces larves réveillées se muent en adultes et se mettent à pondre et pas à moitié !! Une femelle Dictyocaulus peut pondre 25 000 œufs par jour pendant 40 à 60 jours soit environ 1 250 000 œufs par femelle … D’après une étude ( Chartier et al 2013 ) les vaches adultes portent entre 5 et 7 vers adultes de Dictyocaulus à la sortie au pâturage. Et émettent environ 50 000 œufs par jour . Sachant que selon les nombreuses études , la prévalence ou le portage de parasites se situe entre 2.9% à 93 % selon les méthodes de détection utilisées…Plage large mais si déjà 2 vaches du troupeau émettent 50 000 œufs par jour , je n’ose pas me lancer dans le calcul avec 93 % de vaches porteuses !!
POURQUOI CELA VA SI VITE ?
Comme vu précédemment, quelques vaches adultes peuvent émettre beaucoup d’œufs par jour, qui vont éclore en larves L1 dans les bouses. Mais ces larves ne savent pas sortir des bouses, sauf grosses pluie, ce qui est souvent le cas au printemps et à l’automne, saisons plus propices à la bronchite vermineuse. Mais un été chaud et humide peut aussi favoriser la dissémination.
Un autre phénomène, amplifié par les bonnes conditions météo pour la Bronchite, entre aussi en jeu : Pilobolus Kleinii ( rien à voir avec Calvin ) . Ce petit champignon – hallucinogène en plus , avis aux amateurs-trices- qui pousse sur les bouses par temps humide – les petits points oranges que vous pouvez observer sur celles-ci – dissémine ses spores par un système de catapultage – comme quoi on a rien inventé – jusqu’à 3 mètres autour des bouses !! Or ce petit champignon émet des chimiokines qui attirent les larves L3 présentes sur les bouses. Qui font elles aussi un tour de catapulte avec les spores et se retrouvent à 3 mètres de leur bouse maternelle . La nature est absolument extraordinaire !!
Une fois la prairie contaminée, les larves L3 sont ingérées par les bovins. Les animaux naïfs – sans aucun contact avec la bronchite l’année précédente – génisses ou primipares, seront des grandes excrétrices d’œufs car elles n’ont aucune immunité envers la bronchite.
Les animaux ayant déjà été en contact , même s’ils ont développé une immunité partielle, seront dépassés par la forte infestation des pâtures du fait des jeunes naïves – Ah les jeunes , ça fait vraiment n’importe quoi …
En effet ces vaches adultes ont déjà eu affaire à la bronchite vermineuse les années précédentes, mais l’immunité envers les larves infestantes est très courte – 4 mois , elle disparaît donc d’une année à l’autre. L’immunité envers les vers adultes est plus longue – environ 2 ans.
Et ces vaches adultes déclencheront donc des signes cliniques – toux, baisse de lait , du fait de leur réponse immunitaire dépassée par le nombre de larves L3 infestantes émises par les jeunes naïves . Mais elles n’excréteront pas beaucoup d’œufs dans leurs bouses.
ALORS , BRONCHITE VERMINEUSE OU PAS ?
Seule la coproscopie de type Baerman ou Mac Kenna – bien préciser votre demande au laboratoire ou au vétérinaire- peut déterminer très rapidement la présence de la bronchite vermineuse dans le troupeau.
Il vaut mieux faire des coproscopies individuelles , sur 3 ou 4 vaches qui toussent , pour détecter la présence de Dictyocaulus Viviparus.
La seule présence d’une larve confirme la suspicion.
2 règles à la bonne réalisation de cette coproscopie larvaire ( et non la recherche d’œufs comme pour les strongles digestifs ) :
1- une récolte de bouse très fraîche, plutôt sur les primipares ou les génisses , plus excrétrices comme vu plus haut
2- L’envoyer sous couvert du froid ou la porter le plus vite possible au laboratoire ou chez le vétérinaire – Une mauvaise conservation fait mourir plus de 40% des larves en 24 h et réduit les chances d’autant d’établir la présence de Dictyocaulus .
En effet la technique utilisée se fait grâce à l’hygrotropisme des larves ( envie irrépressible d’aller vers l’eau – comme tout mâle alcoolisé au bord d‘une piscine ou d’un point d’eau en fin de soirée , été comme hiver , bien sûr ) qui vont migrer par gravité dans l’eau et se retrouver dans le tube d’écoulement ou le fond du verre à pied – voir schémas. Il faut donc que les larves soient vivantes pour migrer. De plus comme toute coproscopie, un résultat négatif ne veut pas dire absence de Dictyocaules. Il faudra réitérer l’examen quelques jours après si le doute n’est pas levé. Ou passer par le lavage broncho trachéal – voir plus bas.
Les signes cliniques peuvent également, avec la saison et la météo , faire penser à la présence de la bronchite vermineuse.
De la toux après des périodes chaudes et humides – printemps , été , automne . De la Bronchite vermineuse était détectée en 2021 ou 2022 jusqu’en Novembre , du fait d’un automne hyper doux et humide ! Les parasites s’adaptent très très bien au changement climatique.
Cette toux peut être accompagnée de jetage – écoulement du nez voir animal qui bave – souvent avec le cou tendu et déclenchée ou aggravée par l’effort. Parfois juste en se levant, parfois au retour de la prairie pour la traite. D’ailleurs , quand on est pas sûr que cela tousse , faite courir – gentiment- le lot et vous verrez de suite des animaux s’arrêter cou tendu pour tousser.
On a souvent également une baisse de la production laitière voir une chute de celle-ci. Certains animaux peuvent présenter de la température – plutôt due aux surinfections pulmonaires des lésions faites par la Bronchite vermineuse dans les poumons. Et ces surinfections peuvent malheureusement entraîner la mort de certains animaux.
Mais la toux peut être due à de nombreux facteurs – Mycoplasmes, Pasteurelles, Virus RS, Ehrlichiose , Paramphistome, emphysème des regains entre autre. Il vaut mieux donc confirmer par la coproscopie de Mac Kenna ou Baerman.
D’autres moyens de diagnostics existent : Lavage broncho tracheal, sérologie sanguine , analyse de lait mais plus fastidieuses à mettre en place et plus tardives – 6 semaines après contamination pour les sérologies et analyses de lait. Elles serviront à vérifier l’immunité du troupeau et le lavage Broncho Trachéal est utilisé lors de suspicion de réinfestation sans détection de larves dans les bouses ou pour un suivi lors de réinfestation dans la saison. Cette technique un peu lourde à mettre en place permet de distinguer les toux d’été dues à la Bronchite vermineuse ou à d’autres facteurs.
COMMENT LA GERER ?
Là est la question.
Tout d’abord sortir le lot de la prairie, car au vu de la rapidité de contamination de la prairie et le cycle très court dans les bonnes conditions, il vaut mieux soustraire les animaux au contact de Dictyocaulus.
S’occuper des animaux ensuite :
Le vermifuge le plus efficace et le plus rapide sur les vers de Bronchite vermineuse reste le Levamisole injectable. De plus cette molécule paralyse les vers et évite la destruction des parasites. Destruction qui peut déclencher une forte réaction immunitaire chez les animaux et aggraver les signes d’inflammation. Mais la vache doit ensuite expulser les paquets de vers via la toux, pas toujours facile. Cette molécule a l’avantage d’être bon marché et non rémanente – pas d’action sur l’entomofaune. Mais elle est interdite sur le lait et n’agit pas sur les larves immatures. On l’utilisera donc plutôt sur les lots de jeunes pas encore en lait. L’utilisation d’Eprinomectine chez les génisses n’est pas justifiée du fait de l’existence du Levamisole.
Les benzimidazoles sont aussi efficaces sur la Bronchite vermineuse. Plus ou moins efficaces sur les larves immatures au stade L4.
Les Avermectines – Ivermectine, Eprinomectine, Doramectine et Moxidectine ont une certaine rémanence , de 20 à 40 jour – à part la Moxidectine Longue Action 120 jours, à éviter c’est caca !! – mais seule l’Eprinomectine est autorisée en production laitière , avec un délai doublé en bio c’est-à-dire 2 jours ( Oui 0x0 ne fait pas la tête à Toto mais 2 en Bio ) .
En aromathérapie, certains retours se font avec l’Huile Essentielle de Boldo en voie orale et des vaches qui crachent littéralement les vers. L’HE de Gingembre pourrait également avoir un effet asséchant sur le poumon et permettre de limiter l’infestation.
Des arrêts de toux également avec le remède homéopathique Stanum Metallicum 30 CH en 1 administration. Et de la prévention ( attention gros mot en homéopathie ) durant les périodes d’infestation avec Stanum Metallicum 15 ch 1 fois tous les 15 jours dans l’abreuvoir.
FAUT IL TRAITER TOUT LE LOT ?
Là encore les avis divergent.
C’est souvent suggéré au vu de la rapidité de contamination et du travail que représente la contention pour piquer le lot – et oui les pour on , c’est has been , à éviter également.
Mais 2 études relativement récentes – CAMUSET 2018 et LURIER.HILAIRE.HENON et al 2019 ont montré l’intérêt d’un traitement sélectif lors d’épisodes de Bronchite Vermineuse. Certes expérimentalement avec des coproscopies tous les 15 jours pour CAMUSET et un suivi par lavage broncho trachéal pour LURIER.HILAIRE.HENON , donc plutôt des conditions expérimentales.
Mais il en ressort qu’un traitement sélectif , en ciblant les malades tousseuses , les primipares et les fraîches vêlées – plus sensible par la baisse d’immunité autour du vêlage- ne soit pas si inintéressant.
Pour 3 choses au moins :
- Laisser les animaux s’immuniser. Même si l’immunité envers la bronchite vermineuse est faible envers les larves – 4 mois et non rémanente pour l’année suivante- elle est quand même relativement efficace sur les vers adultes et les animaux bien immunisés, même s’ils toussent , excrètent moins d’œufs que les non immunisés.
- Le traitement sélectif fait que l’on traite environ 50% du troupeau, économie non négligeable sur les antihelminthiques type Eprinomectine qui ont un certain coût, et je dirais même plus , un coût certain .
- Le traitement de la Bronchite Vermineuse avec les antihelmintiques ne va pas éliminer QUE la Bronchite Vermineuse… Les strongles digestifs présents vont également être en contact avec la molécule. D’où possible apparition de résistance à cette molécule , par les Dictyocaules – même si pas encore de résistances détectées- mais également par les strongles digestifs …
Enfin , 4° point , un petit bonus oui , mais à ne surtout pas négliger, l’effet des antihelminthiques rémanents type avermectines sur l’entomofaune , actifs plusieurs semaines dans les bouses sur les coprophages , mouches ,vers de terre et scarabées … Donc sur la vie du sol et de la prairie.
Facilité ou sélectivité ?
Il est effectivement plus aisé, pratique, rapide, de traiter tout le lot lors de suspicion de Bronchite Vermineuse, même si la confirmation par la coproscopie devrait être systématique – et rapide en général.
Et malheureusement, on ne dispose pas encore d’un test ultra fiable, sur place pour savoir qui traiter ou pas.
C’est pour cela que la diffusion de l’information (les études ) l’énoncé des bonnes pratiques de vermifugation – pas de Pour On et longue action , traiter en sélectif , au bon poids, avec la bonne molécule etc etc etc, mais aussi les difficultés de mise en application doivent être connues pour que tout à chacun puisse gérer au mieux sa situation .
L’ère du traitement systématique à telle, telle période va se terminer et nous aurons sûrement bientôt un plan EcoParasito pour réguler l’utilisation des antihelmintiques.
La parasitologie est extrêmement complexe, de par beaucoup d’inconnues encore de nos jours, de par toutes les différentes conduites d’élevage et du fait des changements climatiques à venir, entre autres.
Il n’existe pas de plan Gestion de la Bronchite Vermineuse, national, voir même local, tant les conditions chez chacun sont différentes. Il faut effectivement prendre en compte la météo – précipitations et températures -, l’âge des animaux – surveillance des primipares- , la rotation de pâtures -sortir le lot dès les premiers cas – , la pousse de l’herbe – stade d’entrée et de sortie , la contention – comment gérer l’administration des produits et disponibilité de la main d’œuvre- et on s’arrête là pour éviter la surchauffe …
Il faut donc en parasitologie, et particulièrement avec la Bronchite Vermineuse, repartir à zéro tous les ans pour établir un plan de gestion optimal et efficace.
Plus facile à dire qu’à faire …
Sources
La dictyocaulose des bovins -Par Christophe CHARTIER /Nadine RAVINET -BIOEPAR, INRAE, Oniris, 44307, Nantes
SUIVI LONGITUDINAL DE L’ANALYSE DE CYTOLOGIE SUR LAVAGE BRONCHO-ALVEOLAIRE : EVALUATION DE L’EFFICACITE D’UN TRAITEMENT SELECTIF A L’ECHELLE GROUPE LORS DE DICTYOCAULOSE BOVINE – Hilaire THOMAS
Evolution épidémiologique de la bronchite vermineuse et adaptation des stratégies de contrôle -J-J. PRAVIEUX-Merial, 13b av. Einstein, 69 100 Villeurbanne
Dictyocaulose : coproscopies de mélange pré-épisode clinique et traitement sélectif. Journées Nationales des GTV CAMUSET P
Pertinence d’un traitement sélectif à l’échelle du groupe lors de dictyocaulose bovine. Journées Nationales des GTV NANTES 2019 – LURIER/HILAIRE/HENON
GDS 64
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